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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/122

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les mauvaises compagnies, le soir assis au boulevard aux côtés d’une espèce, s’attardant à boire comme un cocher avec le premier venu, tutoyant des comédiens de bas étage. Et dire que c’était un prince héritier, cela !… Il prenait donc plaisir à dégrader, à salir la royauté en sa personne.

Elle allait, elle allait, avec un feu, une colère, pendant que la reine exprès distraite, les yeux perdus, caressait le cou de sa bête dont elle pressait un peu l’allure comme pour échapper aux histoires de sa dame d’honneur. Mais Colette se mit au même pas.

— Du reste, il a de qui tenir, ce prince d’Axel. La conduite de son oncle vaut la sienne. Un roi qui affiche ses maîtresses avec cette impudence devant sa cour, devant sa femme… On se demande quelle nature d’esclave sacrifiée peut avoir une reine qui supporte de tels outrages.

Cette fois le coup avait porté. Frédérique tressaillante, les yeux voilés, laissa paraître sur ses traits creusés en une seconde une expression tellement douloureuse et vieillie que Colette se sentit remuée en voyant descendre au niveau de la souffrance féminine cette fière souveraine dont elle n’avait jamais pu atteindre le cœur. Mais celle-ci reprit bien vite toute sa fierté :

— Celle dont vous parlez est une reine, dit--