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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/127

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LES ROIS EN EXIL

bien vite au Quartier, comme il avait déjà fait une fois.

Seulement la reine était là.

À vivre toujours dans l’intimité de Frédérique, l’enfant au milieu d’eux, il s’était pris pour elle d’un dévouement fanatique fait de respect, d’admiration, de foi superstitieuse. Elle résumait, symbolisait à ses yeux toute la croyance et l’idéal monarchiques comme pour un paysan du Transtévère la Madone est toute la religion. C’est pour la reine qu’il restait, qu’il trouvait le courage de mener au bout sa rude tâche. Oh ! oui, bien rude, bien patiente. Que de mal pour faire entrer la moindre chose dans cette petite tête d’enfant de roi ! Il était charmant, ce pauvre Zara, doux et bon. La volonté ne lui manquait pas. On devinait en lui l’âme sérieuse et droite de sa mère avec je ne sais quoi de léger, d’envolé, de plus jeune que son âge. L’esprit était visiblement en retard dans ce petit corps vieilli, rabougri, que le jeu ne tentait pas, sur qui pesait une rêverie allant parfois jusqu’à la torpeur. Bercé pendant ses premières années — qui n’avaient été pour lui qu’une longue convalescence — des sornettes fantastiques de son institutrice, la vie qu’il commençait à entrevoir le frappait seulement par des analogies avec ses contes où les fées, les bons génies, se mêlaient aux rois et aux reines, les sortaient des tours maudites et