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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/134

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dans les campagnes par milliers d’exemplaires que le père Alphée emportait en ballots, passait aux douanes sous l’étiquette objets de piété, avec des chapelets d’olives et des roses de Jéricho. L’opinion royaliste en reçut un coup d’éperon. La Dalmatie surtout, où l’idée républicaine n’avait que fort peu pénétré, s’émut d’entendre l’éloquente parole de son roi, débitée en chaire dans bien des villages, distribuée par les moines quêteurs de Saint-François entr’ouvrant leur besace à la porte des fermes et payant les œufs et le beurre d’un petit paquet imprimé. Bientôt des adresses se couvraient de signatures et de ces croix si touchantes dans leur bon vouloir ignorant, des pèlerinages s’organisaient.

C’était dans la petite maison de Saint-Mandé des arrivages de pêcheurs, de portefaix de Raguse, un manteau noir sur leur riche costume musulman, des paysans morlaques aux trois quarts barbares, tous chaussés de l’opanké en peau de mouton, noué sur le pied avec des lanières de paille. Ils descendaient par bandes du tramway sur lequel les bouts des dalmatiques écarlates, des écharpes à franges, des gilets à boutons de métal détonnaient bruyamment dans la grise uniformité du vêtement parisien, traversaient la cour d’un pas ferme, puis au vestibule s’arrêtaient, se concertaient à voix basse, émus, intimidés. Mé-