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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/146

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confus, bariolé, qu’on entend chez les marchands d’oiseaux du quai de Gesvres. En même temps sautent des bouchons de pale-ale ou de romanée, des piles d’or s’écroulent sur le bois des comptoirs. Ce sont d’interminables sonneries électriques, des coups de sifflet dans les tuyaux de communication, le cartonnage d’un plan de maison qu’on déroule, un dessin d’arpèges essayant un piano, ou les exclamations d’une tribu de Samoïèdes autour d’une énorme photographie au charbon.

Et puis d’un box à l’autre les employés qui se jettent des renseignements, un chiffre, un nom de personne ou de rue, souriants, empressés, pour devenir tout à coup majestueux, glacés, indifférents, la physionomie complètement détachée des affaires de ce globe, lorsqu’un malheureux, éperdu, rejeté déjà de guichet en guichet, se penche pour leur parler tout bas d’une certaine chose mystérieuse qui paraît les combler d’étonnement. Quelquefois, fatigué d’être regardé comme une trombe ou un aérolithe, l’homme s’impatiente, demande à voir J. Tom Lévis lui-même, qui saura certainement ce dont il s’agit. Alors il lui est répondu avec un sourire supérieur que J. Tom Lévis est en affaire… que J. Tom Lévis est avec du monde !… Et pas des petites broutilles d’affaires comme les vôtres, pas du petit monde comme vous, mon brave homme !…