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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/171

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LES ROIS EN EXIL

pour que le vieux ne fût pas seul. Eh bien ! cette créature admirable, dont la beauté était célèbre, chantée dans tous les journaux, qui aurait pu, en faisant seulement « oui » de la tête, voir sortir de terre devant elle le carrosse de Cendrillon, allait chaque soir attendre l’omnibus de la Madeleine et s’en retournait directement au nid de hibou paternel. Le matin, comme les omnibus ne roulaient pas encore à l’heure de son départ, elle s’en venait à pied par tous les temps, sa robe noire sous un waterproof, et je vous jure bien que dans cette foule de fillettes de magasin qui descendent en capeline, en chapeau ou en cheveux la rue de Rivoli-Saint-Antoine, minois pâlis ou rieurs, petites gueules fraîches toussotant à la brume, toujours talonnées de quelque galant, aucune n’aurait pu piger avec elle.

— Quelle heure, la descente ? grogna le prince royal fort allumé.

Mais Christian s’impatienta :

— Laissez-le donc finir… Et alors ?

— Alors, Monseigneur, j’étais parvenu à m’introduire dans la maison de mon ange et je poussais ma pointe tout en douceur… Le dimanche, on organisait des petits lotos de famille avec quelques brocanteurs du passage Charlemagne… Jolie société ! J’en revenais toujours avec des puces. Seulement je me mettais à côté de Séphora, et je lui faisais du