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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/197

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LES ROIS EN EXIL

vrai tempérament de roi, pour ne pas se laisser envahir par les familiarités, les promiscuités dégradantes dont on aura plus tard à rougir et à souffrir, pour se garder roi au milieu des privations, des détresses, des souillures qui mêlent et confondent les rangs dans une misérable humanité.

Hélas ! cette bohème de l’exil, dont le duc de Rosen l’avait si longtemps préservée au prix de grands sacrifices, commençait à envahir la maison d’Illyrie. Le roi en était aux expédients pour payer les frais de « sa fête. » Il commençait par faire des billets comme un fils de famille, trouvant cela tout aussi simple et même plus commode, J. Tom Lévis aidant, que ces « bons sur notre cassette » qu’il adressait autrefois au chef de la maison civile et militaire. Les billets arrivaient à l’échéance, s’augmentaient d’une foule de renouvellements, jusqu’au jour où Tom Lévis, se trouvant à sec, inventait ce joli trafic des brevets, le métier de roi sans peuple ni liste civile ne présentant pas d’autre ressource. Le pauvre Lion d’Illyrie, dépecé comme un vil bétail, fut séparé en quartiers et en tranches, vendu à la criée et à l’étal, à tant la crinière et la noix, le plat de côte et les griffes. Et ce n’était que le commencement. Dans le cab de Tom Lévis, le roi n’allait pas s’arrêter en si belle route. C’est ce que se disait Méraut en descendant de chez Boscovich. Il voyait