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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/201

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LES ROIS EN EXIL

fit enfin, le silence agrandi de deux lieues de bois amortissant dans le bruit du vent, dans les feuilles, les rumeurs lointaines qu’envoyait Paris. Le salon désert, encore tout éclairé dans ce calme de solitude, semblait prêt pour quelque scène tragique. Frédérique, accoudée à la table, repoussa de la main le buvard préparé par Méraut :

— Non… non…. Nous ne travaillons pas ce soir, fit-elle… c’était un prétexte… Asseyez-vous et causons…

Puis, plus bas :

— J’ai quelque chose à vous demander…

Mais ce qu’elle avait à dire lui coûtait probablement beaucoup, car elle se recueillit une minute, la bouche et les yeux mi-clos, avec cette expression profondément vieillie et douloureuse qu’Élisée lui avait vue quelquefois et qui lui faisait paraître ce beau visage encore plus beau, marqué de tous les dévouements, de tous les sacrifices, creusé dans ses lignes pures par les plus purs sentiments de la reine et de la femme. C’était un respect religieux qu’elle lui inspirait ainsi… Enfin, reprenant tout son courage, très bas, timidement, en mettant ses mots l’un après l’autre comme des pas craintifs, Frédérique lui demanda s’il ne savait pas à Paris un de ces…de ces endroits où l’on… prêtait sur gages…

Demander cela à Élisée, à ce grand bohème