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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/224

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soit en apparence, et le danger que présentent ses remous et ses marées. Qu’un de ces gros nuages de là-haut crève en pluie, quel désordre ! quelle panique ! Et son imagination toujours bouillante lui représente la scène, l’horrible étouffement corps à corps, ces écrasements de la place Louis XV, ce tassement sinistre de tout un peuple au milieu d’un Paris trop grand, à deux pas d’immenses avenues désertes, mais inabordables…

Entre sa mère et son précepteur qui le soutiennent, le protègent, le petit prince a bien chaud. Il se plaint de ne plus rien voir. Alors, comme ces ouvriers autour d’eux, Élisée enlève Zara sur son épaule ; et c’est une nouvelle explosion de joie, car de là-haut le coup d’œil de la fête est splendide. Sur un ciel de couchant traversé de jets de lumière et de grandes ombres flottantes, dans la longue perspective, entre les deux colonnes de la barrière, ce sont des palpitations de drapeaux et d’oriflammes, des claquements de toile aux frontons des baraques. Les roues légères de gigantesques escarpolettes enlèvent un à un leurs petits chars remplis de monde, un immense « chevaux de bois » à triple étage, vernissé, colorié comme un joujou, tourne mécaniquement avec ses lions, léopards, tarasques fantastiques, sur lesquels les enfants ont aussi des raideurs de petits pantins. Plus près, des envolements de