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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/254

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que le cliquetis d’un marteau sur le métal fin, un grignotement de lime, éclairé le soir d’une lampe unique témoignant que la brocante n’était pas morte.

Quand sa fille entra, le vieux Leemans en grand tablier de cuir, les manches de sa chemise retroussées sur des bras velus et blonds comme s’ils avaient ramassé des parcelles de cuivre à l’établi, était en train de forger à l’étau un chandelier Louis XIII dont il avait le modèle sous les yeux. Au bruit de la porte il releva sa tête rubiconde, perdue dans une chevelure et une barbe d’un blanc roux, et fronça ses épais sourcils inégaux, où son regard se démêlait comme entre les poils retombants d’un griffon.

— B’jour, pa… dit Séphora, qui feignit de ne pas voir le geste embarrassé du bonhomme essayant de dissimuler le flambeau qu’il tenait ; car il n’aimait pas à être dérangé ni aperçu dans son travail.

— C’est toi, petite ?

Il frotta son vieux museau sur les deux joues délicates.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive ?… demanda-t-il en la poussant dans le jardin… Pourquoi t’es-tu levée de si bonne heure ?…

— J’ai à vous dire quelque chose de très important…

— Viens !