Aller au contenu

Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On avance lentement, méthodiquement, vers les entrées de la place et de la rue Mazarine, tandis que les voitures armoriées tournant dans la cour déposent leurs maîtres, porteurs de cartes privilégiées, sous le portique où s’agite au milieu d’huissiers à chaînes l’affable chef du secrétariat, galonné d’argent, souriant et empressé comme le bon majordome du palais de la Belle-au-Bois-Dormant, le jour où après un sommeil de cent ans la princesse s’éveilla sur son lit de parade. Les portières battent, les valets de pied balourds, en longues lévites, sautent de leurs sièges ; et les saluts, les révérences à grandes traînes, les sourires, les chuchotements d’un monde d’habitués, s’échangent et se perdent avec un bruit de soie frôlée, dans l’escalier tendu d’un tapis menant aux tribunes réservées, ou dans l’étroit couloir en pente et comme tassé sous le piétinement des siècles, qui conduit à l intérieur du palais.

La salle se remplit en amphithéâtre sur le côté réservé au public. Les gradins, noircis un à un, montent jusqu’au cintre, où les derniers rangs debout découpent des silhouettes sur le vitrage arrondi. Pas une place vide. Un entassement houleux de têtes qu’éclaire un jour d’église ou de musée refroidi encore par les stucs jaunes et lisses des murailles et le marbre de grandes statues méditatives, Descartes, Bossuet, Massillon, toute la gloire du grand siècle