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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/284

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gens qui s’en vont, beaucoup, poursuivant leur rêve rétrograde, croient trouver des chaises à porteurs devant le palais de l’Institut, et c’est la pluie qui les attend, ruisselant dans le fracas des omnibus et le carnavalesque bouquin des tramways. Seuls les privilégiés, dans l’allure connue de leurs attelages, continueront à bercer la douce illusion monarchique.

Sous le grand porche à colonnettes, tandis qu’un crieur appelle les équipages royaux par la cour mouillée et luisante, c’est plaisir d’entendre toute cette aristocratique société caqueter avec animation, en attendant la sortie des Majestés. Quelle séance !… Quel succès !… Si la République s’en relève !… La princesse de Rosen est très entourée : « Vous devez être bien heureuse ! — Oh ! oui, bien heureuse. » Et jolie, et caracolant, et saluant à droite et à gauche comme une petite pouliche de manège. L’oncle s’évertue à côté d’elle, toujours gêné par sa cravate blanche et son plastron de maître d’hôtel qu’il essaye d’abriter derrière son chapeau, mais très fier tout de même du succès de son neveu. Certes il sait mieux que personne à quoi s’en tenir sur le bon teint de ce succès-là, et que le prince Herbert n’a pas écrit une ligne de l’ouvrage couronné ; mais en ce moment il n’y songe pas. Colette non plus, je vous jure. Vraie Sauvadon pour la vanité, les apparences lui suffisent ; et lorsqu’elle voit