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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/287

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LES ROIS EN EXIL

persiennes closes. Seulement, au dernier étage, la lampe du roi qui veillait. Nul bruit qu’un égouttement d’eau dans les vasques du bassin, le trille perdu d’un rossignol auquel d’autres rossignols répondaient. Cela errait avec de pénétrantes effluves de magnolias, de roses, de citronnelle après la pluie. Et la fièvre qui depuis deux mois, depuis la fête de Vincennes, ne quittait pas Élisée, qui brûlait son front et ses mains, au lieu de se calmer dans cette éclosion de parfums et de chants, battait, vibrante aussi, lui envoyait ses ondes jusqu’au cœur.

— Ah ! vieux fou !… vieux fou… dit une voix près de lui, sous la charmille. Il s’arrêta interdit. C’était si vrai, si juste, si bien ce qu’il se répétait depuis une heure.

— Fou, misérable maniaque… On devrait te jeter au feu, toi et ton herbier.

— C’est vous, monsieur le conseiller ?

— Ne m’appelez pas conseiller… Je ne le suis plus… Rien, plus rien… Ni honneur, ni intelligence… Ah ! porco

Et Boscovich, sanglotant avec une fougue tout italienne, secouait sa tête falotte, bizarrement éclairée par la lumière qui tombait entre les grappes des tilleuls. Le pauvre homme était un peu détraqué depuis quelque temps. Tantôt très gai, très bavard, il ennuyait tout le monde de son herbier, son fameux herbier de Leybach, en possession duquel il devait bientôt