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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/299

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LES ROIS EN EXIL

roue de mon phaéton. Et vous guettiez son départ derrière le rideau de votre chambre. Beau métier pour une reine !… Nous devons à tout le monde. Ce n’est qu’un cri contre nous. La moitié de vos gens attendent leurs gages… Ce précepteur, voilà dix mois qu’il n’a rien reçu… Madame de Silvis se paye de porter majestueusement vos vieilles robes. Et, des jours qu’il y a, M. le conseiller préposé aux sceaux de la couronne emprunte à mon valet de chambre de quoi s’acheter du tabac à priser… Vous voyez que je suis au courant… Et vous ne connaissez pas mes dettes. J’en suis criblé… Tout va craquer bientôt. Ca sera du propre. Vous le verrez vendre, votre diadème, avec de vieux couverts et des couteaux, sous une porte…

Peu à peu, entraîné par sa nature railleuse et les habitudes de blague de son milieu, il quittait le ton réservé du début, et de sa petite voix de nez insolente détaillait des drôleries parmi lesquelles beaucoup devaient être du cru de Séphora, qui ne perdait jamais l’occasion de démolir à coups moqueurs les derniers scrupules de son amant.

— Vous m’accusez de faire des phrases, ma chère, mais c’est vous qui vous étourdissez de mots. Qu’est-ce après tout que cette couronne d’Illyrie dont vous me parlez toujours ? Cela ne vaut que sur une tête de roi ; sinon c’est une chose encombrante, inutile, qu’on cache pour