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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/30

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visages, que son sommeil avait perdu sa bonne unité, n’était plus ce voyage de dix heures au pays des rêves que les enfants accomplissent au souffle continu, régulier, presque insaisissable de leur petite bouche entr’ouverte.

— Bonsoir, maman, dit-il tout bas… Est-ce qu’il faut nous sauver encore ?

On sentait, dans cette exclamation résignée et touchante, l’enfant qui a beaucoup souffert, et d’un malheur trop grand pour lui.

— Non, non, mon chéri, nous sommes en sûreté, cette fois… Dormez, il faut dormir.

— Oh ! tant mieux alors… Je vais retourner avec le géant Robistor dans la montagne de verre… J’étais si bien.

— Ce sont les histoires de Mme Éléonore qui lui troublent les idées, dit la reine doucement… Pauvre petit ! la vie est si noire pour lui… Il n’y a que les contes qui l’amusent… Il faudra pourtant bien se décider à lui mettre autre chose dans la tête.

Tout en parlant, elle redressait l’oreiller de l’enfant, l’installait dans son repos avec des gestes de caresse, comme aurait fait une simple bourgeoise, ce qui renversait toutes les idées grandioses de Colette de Rosen sur la royauté. Puis, comme elle se penchait pour embrasser son fils, il lui demanda à l’oreille si c’était le canon ou la mer qu’on entendait gronder au loin. La reine écouta une seconde