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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/301

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LES ROIS EN EXIL

de piqûres. La voyant faible, Christian la crut vaincue ; et, pour l’achever, mit le dernier trait à son tableau burlesque des monarchies en exil. Quelle piteuse figure ils avaient tous, ces pauvres princes in partibus, figurants de la royauté, se drapant de la friperie des premiers rôles, continuant à déclamer devant les banquettes vides, et pas un sou de recette ! Ne feraient-ils pas mieux de se taire, de rentrer dans la vie commune et l’obscurité ?… Passe encore pour ceux qui ont de la fortune. C’est du luxe aussi, cet entêtement aux grandeurs… Mais les autres, mais leurs pauvres cousins de Palerme, par exemple, entassés dans une maison trop petite avec leur sacrée cuisine italienne ! Ça sent toujours l’oignon chez eux, quand on entre… Dignes certes, mais quelle existence ! Et ce ne sont pas encore les plus malheureux… L’autre jour un Bourbon, un vrai Bourbon, courait après l’omnibus. « Complet, monsieur. » Il courait toujours. « Puisqu’on vous dit que c’est plein, mon pauvre vieux ! » Il s’est fâché, il aurait voulu qu’on l’appelât Monseigneur. Comme si ça se voyait aux cravates. « Des rois d’opérette, je vous dis, ma chère. Et c’est pour sortir de cette situation ridicule, pour nous mettre à l’abri dans une existence assurée et digne, que j’ai pris le parti de signer ceci… »

Il ajouta, montrant tout à coup le Slave tortueux élevé par les jésuites :