Aller au contenu

Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
LES ROIS EN EXIL

taient des flammes, des bruits de canon, des fusillades.

Il vit le roi debout, non pas ce père insouciant et bon qui parfois le surprenait au lit ou traversait la salle d'études avec un sourire encourageant, mais une physionomie ennuyée et sévère, qui s'accentua durement à leur entrée. Frédérique, sans dire un mot, entraîna l'enfant jusqu'aux pieds de Christian II, et s'agenouillant d'un mouvement brusque, le mit debout devant elle, joignit ses petits doigts dans ses deux mains jointes :

— Le roi ne veut pas m’écouter, il vous écoutera peut-être, Zara… Allons, dites avec moi… « Mon père… »

La voix timide répéta : « Mon père… »

— Mon père, mon roi, je vous conjure… ne dépouillez pas votre enfant, ne lui enlevez pas cette couronne qu’il doit porter un jour… Songez qu’elle n’est pas à vous seul, qu’elle vient de loin, de haut, qu’elle vient de Dieu qui l’a mise, il y a six cents ans, dans la maison d’Illyrie… Dieu veut que je sois roi, mon père… C’est mon héritage, mon bien, vous n’avez pas le droit de me le prendre.

Le petit prince suivait, avec le murmure fervent, les regards d’imploration d’une prière ; mais Christian détournait la tête, haussait les épaules, et furieux, quoique toujours poli, mâchonnait quelques mots entre ses dents…