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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/315

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LES ROIS EN EXIL

savez… ne vous laissez jamais enlever ça !… » À lui seul, cet agenda vaut une fortune.

— Dis donc, Tom, demande Séphora à son mari qu’elle voudrait faire briller, si tu leur disais celle de ton arrivée à Paris, tu sais, ta première affaire, rue Soufflot.

Tom ne se fait pas prier, se verse un peu d’eau-de-vie pour se donner de la voix, et raconte qu’il y a une dizaine d’années, revenant de Londres, décavé et fripé, une dernière pièce de cent sous en poche, il apprend par un ancien camarade rencontré dans une taverne anglaise aux abords de la gare, que les agences s’occupent en ce moment d’une grosse affaire, du mariage de mademoiselle Beaujars, la fille de l’entrepreneur, qui a douze millions de dot et s’est mise en tête d’épouser un grand seigneur, un vrai. On promet une commission magnifique, et les limiers sont nombreux. Tom ne se déconcerte pas, entre dans un cabinet de lecture, feuillette tous les armoriaux de France, le Gotha, le Bottin, et finit par découvrir une ancienne, très ancienne famille, ramifiée aux plus célèbres et domiciliée rue Soufflot. La disproportion du titre avec le nom de la rue l’avertit d’une décadence ou d’une tare. « À quel étage M. le marquis de X… ? » Il fait le sacrifice de sa dernière pièce blanche, et obtient du concierge quelques renseignements… Grande noblesse en effet… Veuf… un fils qui