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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/329

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LES ROIS EN EXIL

si ce n’était pas un leurre, dans un laps de temps facile à calculer en prenant le jour de la séance académique comme point de départ, la race des Rosen compterait un petit représentant de plus, et l’on ne pouvait exposer un espoir aussi cher, aussi précieux, aux fatigues d’une expédition qui ne se terminerait pas sans quelques rudes et sanglantes estocades, pas plus qu’on ne pouvait accepter de faire un tour de valse par les salons splendides. Voilà bien des secrets à garder pour la petite femme ; et malgré le mystère de ses lèvres, ses yeux adorablement bavards, la façon alanguie dont elle s’appuyait au bras d’Herbert, avaient envie de tout raconter pour elle.

Soudain l’orchestre se tait, les danses s’arrêtent ; tout le monde est debout pour l’entrée de Christian et de Frédérique. Ils ont traversé les trois salons resplendissants de richesses nationales, où la reine a pu voir partout son chiffre brodé de fleurs, de lumières, de pierreries, où tout leur a parlé de la patrie, de ses gloires ; et maintenant ils s’arrêtent au seuil du jardin… Jamais la monarchie n’a été représentée d’une façon plus fière, plus brillante ; un vrai couple à graver sur la monnaie d’un peuple, au fronton d’une dynastie. La reine surtout est admirable, rajeunie de dix ans dans une splendide toilette blanche, et sur les épaules pour tout bijou un lourd collier