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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/33

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LES ROIS EN EXIL

Un geste de sa femme lui ferma la bouche… Il s’inclina en souriant,. fit une pirouette :

— Allons fumer, Herbert ! dit-il à son aide de camp.

Et tous deux passèrent sur le balcon.

La soirée était chaude et splendide, le jour à peine éteint dans l’éblouissement du gaz où il mourait en lueurs bleues. La masse noire des marronniers des Tuileries entretenait un souffle d’éventail autour d’elle et dans le ciel au-dessus avivait l’éclat des étoiles. Avec ce fond de fraîcheur, cet espace pour les bruits de la foule, la rue de Rivoli perdait l’aspect étouffant des rues de Paris l’été ; mais on sentait pourtant l’immense circulation de la ville vers les Champs-Élysées, leurs concerts en plein air sous des girandoles de feu. Le plaisir que l’hiver enferme derrière les chaudes tentures des croisées closes chantait librement, riait, courait le plaisir, en chapeaux de fleurs, en mantilles. flottantes, en robes de toile dont un réverbère au passage éclairait l’échancrure sur un cou blanc serré d’un ruban noir. Les cafés, les glaciers débordaient sur les trottoirs avec des bruits de monnaie, des appels, des tintements de verres.

— Ce Paris est inouï, disait Christian d’Illyrie en poussant sa fumée devant lui dans l’ombre… L’air n’y est pas le même qu’ailleurs..- il a quelque chose de capiteux, de