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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/389

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LES ROIS EN EXIL

les assistants s’approchèrent de la table pour signer. Il y eut pendant quelques minutes un piétinement, un frôlement d’étoffes, avec des attentes, des pauses causées par le cérémonial, un grincement de plumes appuyées et tremblantes. Puis le baise-main commençait.

Christian II ouvrait la marche, et s’acquittant de cette chose difficile, l’hommage d’un père à son enfant, baisait le bout des doigts frêles avec plus de grâce spirituelle que de respect. La reine au contraire avait une effusion passionnée, presque religieuse ; la protectrice, la couveuse, devenait l’humble sujette. Après ce fut le tour du prince d’Axel, puis de tous les grands seigneurs défilant dans un ordre hiérarchique que le petit roi commençait à trouver bien long, malgré la dignité charmante de ses yeux candides et de sa main tendue, une petite main blanche et veinée, aux ongles carrés d’enfant qui joue encore, aux poignets un peu forts, disproportionnés par la croissance. Tous ces nobles, si grave que fût le moment à leurs yeux, malgré les préoccupations sinistres de leur deuil, n’étaient pas gens à se laisser prendre leur tour gardé selon le titre, le nombre de fleurons à la couronne ; et Méraut, qui se précipitait vers son élève, se sentit tout à coup arrêté par un « Monsieur, s’il vous plaît ! » qui le fit reculer, le mit face à face avec la mine indignée du prince de