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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/407

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LES ROIS EN EXIL

dans le soleil qui glissait sur sa noble figure exaltée comme sur les méplats d’une pierre dure. Il était beau alors, d’une beauté d’intelligence, prenante, irrésistible, qui frappa Frédérique trop soudainement pour qu’elle pût dissimuler son admiration. Vit-il cela dans ses yeux verts ? Reçut-il en retour cette commotion qu’un sentiment trop vif et tout proche nous fait éprouver ! Il balbutia d’abord, s’arrêta court, tout palpitant, posa sur la reine inclinée, sur ses cheveux d’or pailletés de lumière tremblante, un regard lent, brûlant comme un aveu… Frédérique sentait cette flamme courir sur elle comme un soleil plus aveuglant, plus troublant que l’autre, mais elle n’avait pas la force de se détourner. Et lorsque épouvanté de ce qui montait à ses lèvres, Élisée s’arracha d’elle brusquement, toute pénétrée de cet homme, de sa puissance magnétique il lui sembla que la vie la quittait tout à coup ; elle eut une sorte d’évanouissement moral, et resta là, sur ce banc, défaillante, anéantie… Des ombres lilas flottaient sur le sable des allées tournantes. L’eau ruisselait des vasques du bassin comme un rafraîchissement à cette belle après-midi d’été. On n’entendait dans le jardin tout fleuri qu’un murmure répandu d’ailes et d’atomes au-dessus des corbeilles odorantes, et le bruit sec de la carabine du petit prince, dont le tir se trouvait au bout du parc, vers le bois.