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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/426

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vieilli, obligée de changer sa coiffure, de rabattre ses cheveux vers les tempes pour cacher des ondes blanches. Le petit prince, tout pâle, abritait sous un bandeau son œil droit ; et tout son visage, effleuré de petites grimaces, de rides précoces, semblait porter le poids de ce bandeau. Quelle vie nouvelle pour lui que cette vie de blessé ! À table, il dut rapprendre à manger, sa cuiller, sa fourchette mal dirigées allant cogner son front ou son oreille par cette gaucherie d’un sens entraînant toutes les autres. Il riait de son petit rire d’enfant malade, et la reine à tout instant se détournait pour cacher des larmes. Dès qu’il put descendre au jardin, ce furent d’autres angoisses. Il hésitait, butait à chaque pas, prenait l’oblique pour le droit, tombait même, ou bien, tout craintif, reculait au moindre obstacle, s’accrochant aux mains, aux jupes de sa mère, tournant les angles connus du parc comme autant d’embûches dressées. La reine essayait de réveiller au moins son esprit, mais la secousse avait été trop forte sans doute ; avec le rayon visuel on eût dit qu’elle avait éteint un rayon d’intelligence. Il comprenait bien, le pauvre petit, la peine que son état causait à sa mère ; en lui parlant il relevait la tête avec effort, lui adressait un regard timide et gauche comme pour demander grâce de sa faiblesse. Mais il ne pouvait vaincre certains effrois physiques mal