Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/436

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subitement, la magie du mot sacré apaisant sa colère, il en venait à se dire qu’après tout Monseigneur en jouant avec une de ses servantes n’avait pas été aussi coupable que lui, duc de Rosen, mésalliant son fils à cette Sauvadon. Il portait la peine de sa cupidité… Toutes ces réflexions ne durèrent pas une minute. Les lettres sous clef, il sortit, retourna prendre son poste à Saint-Mandé devant le bureau de l’intendance où l’attendaient une foule de notes, de paperasses, parmi lesquelles il reconnut plus d’une fois la grosse écriture bègue des billets d’amour ; et Christian n’aurait pu le croire informé de la moindre chose, lorsqu’en passant dans la cour, les jours suivants, il aperçut derrière le vitrage, toujours aussi droite, dévouée et vigilante, la longue silhouette du Courtisan du malheur.

Il n’y a que les rois avec ce qui s’attache à leurs personnes de traditions nationales et superstitieuses, pour pouvoir inspirer des dévouements pareils, même quand ils en sont complètement indignes. Celui-ci, maintenant que l’enfant était hors de danger, faisait la fête de plus belle. Il avait d’abord essayé de revenir à Séphora. Oui, même après avoir été brutalement et cyniquement chassé, après avoir eu la preuve, toutes les preuves de sa trahison, il l’aimait encore assez pour accourir à ses pieds au moindre signe. La belle à ce moment était