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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/45

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LES ROIS EN EXIL

tous, comme ces armures moyen âge restées dans les vieilles salles d’armes pour humilier nos épaules et nos poitrines étriquées… Ah ! ben oui !… des libéraux, mon cher, des réformateurs, des hommes de progrès et d’idées nouvelles, voilà ce que j’ai trouvé à la cour de X… D’affreux bourgeois qui ne comprennent pas que si la monarchie est condamnée, il vaut mieux qu’elle meure en combattant, roulée dans son drapeau, plutôt que de finir dans un fauteuil de ga-ga poussé par quelque Parlement… Dès ma première leçon, ç’a été une clameur dans le palais… D’où sort-il donc ? Que nous veut ce barbare ? Alors on m’a prié avec toute sorte de mamours de m’en tenir aux simples questions de pédagogie… Un pion, quoi ! Quand j’ai vu ça, j’ai pris mon chapeau, et bonsoir les Majestés !…

Il parlait d’une voix forte et pleine dont l’accent méridional frappait toutes les cordes métalliques, et à mesure sa physionomie se transfigurait. La tête, au repos énorme et laide, bossuée d’un grand front au-dessus duquel se tordait dans un désordre invincible une chevelure noire aigrettée d’un large épi blanc, au nez épais et cassé, à la bouche violente sans un poil de barbe pour la cacher, car son teint avait les ardeurs, les crevasses, les stérilités d’un sol volcanique, la tête s’animait merveilleusement dans la passion. Figurez-vous le