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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/47

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LES ROIS EN EXIL

Sauvadon m’est resté fidèle… vous savez, Sauvadon, mon richard de Bercy… Comme il rencontre beaucoup de monde chez sa nièce la princesse de Rosen et qu’il veut pouvoir se mêler aux conversations, c’est moi qu’il a chargé de lui donner, trois fois la semaine, ce qu’il appelle « des idées sur les choses ». Il est charmant de naïveté, de confiance, ce brave homme. « Monsieur Méraut, qu’est-ce qu’il faut que je pense de ce livre ? — Exécrable. — Pourtant il me semblait… j’entendais dire l’autre soir chez la princesse… — Si vous avez une opinion, ma présence ici est inutile. — Mais non, mais non, mon cher ami… vous savez bien que je n’en ai pas, d’opinion. » Le fait est qu’il en manque absolument et prend les yeux fermés tout ce que je lui donne… Je suis sa matière pensante… Depuis mon départ, il ne parlait plus, faute d’idée… Et quand je suis revenu, il s’est jeté sur moi, faut voir ! J’ai encore deux Valaques auxquels je donne des leçons de droit politique…Puis toujours quelque bricole en train… Ainsi je termine en ce moment un Mémorial du siège de Raguse d’après des documents authentiques… Il n’y a pas beaucoup de mon écriture là dedans… excepté un dernier chapitre, dont je suis assez content… J’ai les épreuves-là. Voulez-vous que je vous le lise ?… J’intitule ça : l’Europe sans rois !