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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/54

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cause, persécutées, trahies, surprises sous la trappe noire d’une cheminée dans quelque vieil hôtel breton. Et pour égayer ce que cette suite de deuils et d’exils aurait eu de trop triste dans une tête d’enfant, l’histoire de la Poule au pot et la chanson du « Vert-Galant » venaient y mêler des souvenirs glorieux et tout l’entrain de la vieille France. Elle était la Marseillaise de l’enclos de Rey, cette chanson du Vert-Galant ! Quand le dimanche, après vêpres, la table calée à grand’peine sur la pente du petit jardin, les Méraut dînaient au bon de l’air, comme on dit là-bas, dans l’atmosphère étouffante qui suit la journée d’été où la chaleur amassée au sol, au crépi des murs, se dégage plus forte, plus insalubre que de l’éclat du soleil plein, quand le vieux bourgadier entonnait d’une voix célèbre parmi les voisins : « Vive Henri Quatre, vive ce roi vaillant…, » tout se taisait alentour, dans l’enclos. On n’entendait que le déchirement sec des roseaux de clôture se fendant sous la chaleur, les élytres criards de quelque cigale attardée, et l’antique chant royaliste se déroulant majestueusement sur sa mesure de pavane avec des raideurs de chausses bouffantes et de jupes en vertugadin. Le refrain se chantait en chœur : « À la santé de notre roi, — c’est un Henri de bon aloi, — qui fera le bien de toi, de moi. » Ce « de toi, de moi », rythmé et fugué, amusait beaucoup Élisée et ses frères, qui le