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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/60

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à son cadet… qu’est-ce qu’ils attendent ? l’enclos se fatigue à la fin des fins.

À vingt ans, Élisée Méraut arriva à Paris, tout bouillonnant de convictions exaltées où l’aveugle dévouement de son père se fortifiait du fanatisme armé de l'Espagnol. Il fut accueilli dans le parti comme un voyageur montant à mi-route, la nuit, dans un wagon de première classe, où chacun a fait son coin pour dormir. L'intrus vient du dehors, le sang activé par l’air vif et la marche, avec un désir communicatif de s’agiter, de causer, de prolonger l’insomnie du voyage ; il se heurte à la mauvaise humeur renfrognée et somnolente de gens pelotonnés dans leur fourrure, bercés par le mouvement du train, le petit rideau bleu tiré sur la lampe, et dont la moiteur alourdie ne craint rien tant que les vents coulis et les invasions dérangeantes. C’était cela l’aspect du clan légitimiste sous l’empire, dans son wagon en détresse sur une voie abandonnée.

Ce forcené aux yeux noirs, avec sa tête de lion maigre, découpant chaque syllabe à l’emporte-pièce, chaque période à coups de gestes, possédant en lui, prête à tout, la verve d’un Suleau, l’audace d’un Cadoudal, causa dans le parti un étonnement mêlé d’effroi. On le trouva dangereux, inquiétant. Sous l’excessive politesse, les marques d’intérêt factice de la bonne éducation, Élisée, avec cette lucidité que garde