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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/75

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LES ROIS EN EXIL

pas un clou dans les appartements, on ne déplaçait pas un seul meuble, sans cette exclamation d’espoir : « Ce n’est plus la peine. » Pourtant l’exil se prolongeait, et la reine ne tardait pas à comprendre que ce séjour à l’hôtel dans un tourbillon d’étrangers, un passage d’oiseaux voyageurs de toute plume, deviendrait contraire à la dignité de leur rang. On leva la tente, on acheta une maison, on s’installa. De nomade l’exil se fit sédentaire.

C’était à Saint-Mandé, sur l’avenue Daumesnil, à la hauteur de la rue Herbillon, dans cette partie qui longe le bois, bordée de constructions élégantes, de grilles coquettes laissant voir des jardins sablés, des perrons arrondis, des pelouses anglaises qui donnent l’illusion d’un coin de l’avenue du Bois-de-Boulogne. Dans un de ces hôtels s’étaient déjà réfugiés le roi et la reine de Palerme, sans grande fortune, fuyant l’entraînement et les quartiers luxueux du high-life. La duchesse de Malines, sœur de la reine de Palerme, était venue la rejoindre à Saint-Mandé, et toutes deux attiraient sans peine leur cousine dans ce quartier. En dehors des questions d’amitié, Frédérique désirait se mettre à part de l’entrain joyeux de Paris, protester contre le monde moderne et les prospérités de la République, éviter cette curiosité qui s’attache aux gens connus et qui lui semblait une injure à sa déchéance. Le roi s’était d’abord