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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/87

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LES ROIS EN EXIL

bureau. La princesse n’était qu’un oiseau, sans cesse occupé de lisser ses plumes, Boscovich un enfant, la marquise une folle. Il y avait encore le Père Alphée, mais ce moine farouche et rugueux n’aurait pu comprendre à mi-mot les frissons intimes de la reine, les doutes, les peurs qui commençaient à l’envahir. La saison s’en mêlait aussi. Ce bois de Saint-Mandé, l’été tout en verdure et en fleurs, désert et calme comme un parc pendant la semaine, le dimanche grouillant de joie populaire, prenait sous l’hiver approchant, dans le deuil des horizons mouillés, dans la brume flottante de son lac, l’aspect désolé, sans grandeur, des lieux de plaisir abandonnés. Des tourbillons de corbeaux volaient au-dessus des buissons noirs, au-dessus des grands arbres tordus balançant des nids de pies, des guis chevelus, à leurs sommets découronnés. C’était le second hiver que Frédérique passait à Paris. Pourquoi lui semblait-il plus long, plus lugubre que l’autre ? Était-ce le tapage de l’hôtel qui lui manquait, le mouvement de la ville tumultueuse et riche ? Non. Mais à mesure que la reine décroissait en elle, la femme reprenait ses faiblesses, ses peines d’épouse délaissée, ses nostalgies d’étrangère arrachée du sol natal.

Dans la galerie vitrée annexe du grand salon, dont elle avait fait un petit jardin d’hi-