Aller au contenu

Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait pas parvenir à décrasser, et probablement allait lui donner une verte leçon de respect monarchique, quand la reine parut, suivie d’Élisée, qui conduisait son royal élève par la main. Tous se levèrent. Frédérique, avec un beau sourire de femme heureuse qu’on ne lui avait pas vu depuis longtemps, présenta M. Méraut… Oh ! le salut de la marquise, railleur et haut perché, voilà huit jours qu’elle le répétait. La princesse, elle, ne trouva même pas la force d’un geste… De pâle, elle devenait pourpre, en reconnaissant dans le nouveau maître l’étrange grand garçon à côté de qui elle avait déjeuné chez son oncle et qui avait écrit le livre d’Herbert. Était-il là par l’effet du hasard ou de quelque machination diabolique ? Quelle honte pour son mari, quel ridicule nouveau si l’on apprenait sa supercherie littéraire ! Elle se rassura un peu devant le salut froid d’Élisée, qui devait pourtant bien l’avoir reconnue. « C’est un homme d’esprit, » pensa-t-elle. Malheureusement, tout fut compromis par la naïveté d’Herbert, sa stupéfaction à l’entrée du précepteur, et la poignée de main qu’il lui donna familièrement avec un : « Bonjour, comment ça va ? »

— Vous connaissez donc monsieur ? lui demanda la reine, qui savait par son chapelain l’histoire du Mémorial et souriait non sans quelque malice.