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Page:Daudet - Jack, II.djvu/119

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être obligé, comme il disait, de faire un nouvel appel à ses actionnaires ; car il avait inventé ce prétexte des actionnaires pour se mettre à l’abri des emprunteurs.

Le fait est que jusque-là, en face de l’absence totale de recettes, les dépenses étaient très lourdes. Outre les bureaux de la Revue, le poëte avait loué, au quatrième de la maison, un grand et bel appartement à balcon, ayant tout cet horizon merveilleux, la Cité, la Seine, Notre-Dame, des dômes, des flèches, et les voitures qui filent sur les ponts, et les bateaux qui passent sous les arches. Là, au moins, il se sentait respirer et vivre. Ce n’était plus comme dans le coin perdu des Aulnettes, où, l’été, un bourdon qui traversait le cabinet du poëte tous les jours à trois heures était attendu comme l’événement de la journée. Impossible de travailler dans une pareille léthargie. Et dire qu’il avait eu le courage de s’enfermer là six ans. Aussi, qu’était-il arrivé ? Il avait mis six ans à faire la Fille de Faust, tandis que, depuis son arrivée à Paris, grâce au milieu intellectuel, il avait commencé je ne sais combien d’études, d’articles de fonds, de nouvelles.

Charlotte, elle aussi, partageait l’activité fiévreuse de son artiste. Toujours jeune, toujours fraîche, elle surveillait le ménage et la cuisine, ce qui n’était pas une mince affaire avec l’énorme quantité de dîneurs réunis sans cesse autour de la table. Puis il l’associait à ses travaux.