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Page:Daudet - Jack, II.djvu/203

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tout rompre et que l’émotion vous serre à la gorge.

Cécile écrivait dans « la pharmacie. » Jamais elle n’avait paru à Jack si belle, si imposante, pas même le jour où, pour la première fois, il l’avait revue après sept ans d’absence. Mais chez lui, quel changement depuis ce jour-là ! La beauté morale reconquise ennoblissait ses traits, ôtait à tous ses gestes la timidité de leur disgrâce. Il n’en était pas moins humble devant elle.

— Cécile, dit-il, je vais partir.

À cette annonce de départ, elle s’était levée, très pâle.

— Je vais reprendre mon dur labeur. Mais maintenant ma vie a un but. Votre grand-père m’a permis de vous dire que je vous aimais, et que j’allais travailler à vous conquérir.

Il tremblait tellement, il parlait si bas, que tout autre que Cécile n’aurait su distinguer ce qu’il disait. Mais elle l’entendait bien, elle ; et pendant que par tous les coins de la grande salle le passé réveillé s’agitait dans les rayons du soleil couchant, la jeune fille écoutait cette déclaration d’amour, comme un écho de toutes ses pensées, de tous ses rêves depuis dix ans… Et c’était une enfant si singulière, qu’au lieu de rougir et de cacher son visage, ainsi que font en pareil cas les jeunes personnes de bonne famille, elle restait debout avec un beau sourire reflété dans ses yeux pleins de larmes. Elle savait bien que cet amour allait