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Page:Daudet - Jack, II.djvu/220

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autres et contre lui-même, ce scélérat de trop bon cœur.

— Vous pouvez compter sur moi, madame Weber.

Alors on s’occupa d’installer le camarade. Il fut convenu que jusqu’au moment du mariage, il vivrait avec Bélisaire, coucherait dans la première pièce, sur un lit de sangle. Les repas se feraient en commun, et Jack payerait sa part de logement et de nourriture tous les samedis. Après la noce, on verrait à s’installer plus grandement, et aussi un peu plus près de chez Eyssendeck.

Pendant que ces graves questions se discutaient, madame Weber, son enfant endormi sur le bras, préparait le lit du camarade, enlevait le couvert, rinçait la vaisselle, Bélisaire se mettait à coudre ses chapeaux, et Jack, sans perdre une minute, empilait les livres du docteur Rivals dans un coin du buffet en bois blanc, comme pour bien prendre possession de ce logis de travailleurs et se mettre à l’unisson des braves gens qui l’entouraient.

Quelques jours auparavant, quand il était encore à Étiolles, on l’eût bien étonné en lui disant qu’il recommencerait avec ardeur sa vie d’ouvrier sans en sentir l’humiliation ni la fatigue, qu’il rentrerait dans son enfer le cœur joyeux. Ce fut pourtant ce qui arriva. Oui, certainement, c’était l’enfer à traverser une seconde fois, mais Eurydice l’attendait au bout, patiente et drapée dans ses voiles d’épouse ; il le savait,