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Page:Daudet - Jack, II.djvu/230

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de confiance dans l’avenir littéraire de M. d’Argenton. Mais un jour, à la fin d’une de ces causeries et comme ils sortaient de l’église du Panthéon :

— Jack, lui dit-elle avec un peu d’embarras, est-ce que tu pourrais… Figure-toi, je ne sais pas comment j’ai fait mon compte, je n’ai plus assez d’argent pour aller jusqu’à la fin du mois. Je n’ose pas lui en demander, ses affaires vont si mal. Il est malade avec cela, ce pauvre ami. Pourrais-tu m’avancer seulement pour quelques jours…

Il ne la laissa pas achever. Il venait de toucher sa paye et la mit dans la main de sa mère en rougissant. Puis au grand jour de la rue, il remarqua ce qu’il n’avait pu voir dans l’ombre de l’église, des traces de désespoir sur ce visage souriant, ces pâleurs marbrées de rouge où l’on dirait que la fraîcheur s’en va, délayée dans des ruisseaux de larmes. Une immense pitié le prit.

— Tu sais, ma mère, si tu étais malheureuse… Je suis là… Viens me trouver… Je serais si fier, si content de t’avoir !

Elle tressaillit :

— Non, non, c’est impossible, dit-elle à voix basse. Il est trop éprouvé en ce moment. Ce ne serait pas digne.

Elle s’éloigna précipitamment, comme si elle eût craint de céder à quelque tentation.