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Page:Daudet - Jack, II.djvu/238

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votre vie que vous me verrez. Je vous quitte. Je vais avec mon enfant. Je vous souhaite de trouver une autre Charlotte ; moi, j’en ai assez. » Alors je suis partie, et me voilà.

Jack l’avait écoutée jusqu’au bout sans l’interrompre, pâlissant seulement à chaque révélation d’infamie, et si honteux pour elle de tout ce qu’elle racontait, qu’il n’osait pas la regarder. Quand elle eut fini, il lui prit la main, et avec beaucoup de douceur, de tendresse, beaucoup de gravité aussi :

— Je te remercie d’être venue, ma mère… Une seule chose manquait à mon bonheur, à la dignité de ma vie, c’était toi. À présent te voilà, je te tiens, je te possède, c’est tout ce que je pouvais désirer. Seulement, prends garde, je ne te laisserai plus partir.

— Partir, moi ! retourner près de cet homme !… Non, mon Jack ; avec toi, toujours avec toi, rien que nous deux… Tu sais ce que je t’avais dit qu’un jour viendrait où j’aurais besoin de toi. Il est arrivé, ce jour là, et je ne m’en plains pas, je te le jure.

Sous les caresses de son fils, son émoi se dissipait peu à peu, s’éloignait en de grands soupirs, comme en ont les enfants qui ont beaucoup pleuré : « Tu vas voir, mon Jack, quelle belle vie nous allons mener. C’est que je te dois tout un arriéré de soins et de tendresses. Je vais m’acquitter, n’aie pas peur. Te dire comme je me sens libre, comme je respire ! Tiens, ta chambre est bien étroite, bien nue, bien affreuse, un