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Page:Daudet - Jack, II.djvu/240

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tion, le camelot se mit au service d’Ida de Barancy, car il n’était plus question de Charlotte. Il s’agissait de louer un lit, deux chaises, une toilette. Jack prit dans un tiroir où il mettait ses économies trois ou quatre louis qu’il donna à sa mère.

— Tu sais, maman, si la cuisine t’ennuie, madame Weber, en rentrant, s’occupera du dîner.

— Non pas certes. C’est moi que cela regarde. M. Bélisaire m’indiquera seulement les marchands. Je veux être ta ménagère, ne rien déranger dans ta vie. Tu verras le bon petit dîner que je vais te faire, puisque tu es trop loin de l’atelier pour venir déjeuner. Tout sera prêt quand tu rentreras.

Elle avait déjà quitté son châle, retroussé ses manches et sa traîne pour se mettre à l’ouvrage. Jack, enchanté de la voir si résolue, l’embrassa de tout son cœur et partit plus joyeux qu’il ne l’avait jamais été. Avec quel courage il travailla ce jour-là, en songeant aux devoirs multiples dont il allait se trouver chargé ! La situation pénible de sa mère l’avait tant de fois préoccupé, depuis ses projets de mariage ! Cette pensée lui gâtait ses joies, ses espérances. Jusqu’où cet homme la ferait-il descendre ? À quoi était-elle destinée ? Une honte lui venait parfois de donner pour belle-mère à sa chère Cécile cette déclassée que d’autres que son fils trouvaient sans doute méprisable. Dorénavant tout était changé. Ida reconquise, protégée par l’amour le plus attentif, le plus tendre, allait