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Page:Daudet - Jack, II.djvu/279

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aux bonnes causeries qu’ils faisaient à la nuit tombante, sur le banc rustique du verger, pour retourner à Paris dîner avec sa mère. Il s’en revenait par les trains de l’après-midi, déserts et surchauffés, passant du calme des bois à l’animation des dimanches faubouriens. Les omnibus encombrés, les trottoirs envahis par les tables des petits cafés où des familles au grand complet, père, mère, enfants, s’asseyaient devant des bocks et des journaux à images, des foules arrêtées, le nez en l’air, à regarder au-dessus de l’usine à gaz un gros ballon jaune qui montait, toute cette cohue faisait un si grand contraste avec ce qu’il venait de quitter, qu’il en demeurait étourdi et navré. Dans la rue des Panoyaux plus déserte, il retrouvait des habitudes de province, des parties de volants devant les portes, et dans la cour de la grande maison silencieuse, le concierge avec quelques voisins assis sur des chaises, savourant la fraîcheur entretenue par de fréquents arrosages à l’entonnoir. D’ordinaire, quand il arrivait, sa mère causait dans le corridor avec le ménage Levindré. Bélisaire et sa femme, qui sortaient régulièrement tous les dimanches de midi à minuit, auraient bien désiré emmener madame de Barancy ; mais elle avait honte de se montrer avec ces pauvres gens et d’ailleurs se plaisait bien mieux dans la compagnie de ce couple d’ouvriers paresseux et phraseurs. La femme Levindré, couturière de son état, attendait depuis deux ans, pour se mettre au travail, qu’elle pût