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Page:Daudet - Jack, II.djvu/284

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mêlées à des sifflements d’hirondelles, lui pesait de son silence et de sa tranquillité. Et elle se souvenait. Ses promenades d’autrefois, des courses en voiture, des parties de campagne lui apparaissaient, dorées par le regret comme par un couchant disparu. Mais les années d’Étiolles, plus récentes, lui causaient la plus vive blessure. Oh ! la belle vie, les dîners joyeux, les cris des arrivants, les longues veillées sur la terrasse italienne, et LUI, debout contre un pilier, le front levé, le bras étendu, récitant au clair de lune :

Moi, je crois à l’Amour comme je crois en Dieu.

Où était-il ? Que faisait-il ? Comment ne lui avait-il pas écrit depuis trois mois qu’il était sans nouvelles ? Alors le livre lui tombait des mains, et elle demeurait pensive, le regard perdu, jusqu’au retour de son fils, pour qui elle essayait un sourire. Mais il devinait tout de suite son état moral au désordre de la chambre, au négligé de cette femme si coquette jadis, et qui maintenant traînait par la mansarde un peignoir fané et des sandales indolentes. Rien n’était prêt pour le dîner :

— Tu vois, je n’ai rien fait. Le temps est si chaud. C’est accablant. Puis je suis si découragée.

— Pourquoi découragée ? Tu ne te trouves donc pas bien avec moi ? Tu t’ennuies, n’est-ce pas ?

— Non, certes, je ne m’ennuie pas… M’ennuyer avec toi, mon Jack !

Elle l’embrassait avec passion, essayant de s’accro-