Page:Daudet - Jack, II.djvu/290

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car il avait une physionomie heureuse, ouverte, et, rien qu’à la façon dont il regardait sa femme, on sentait que si c’était à refaire, maintenant qu’il la connaissait, il la prendrait bien sans dot. Jack présenta sa mère à tous ces braves gens ; puis, comme on marchait en deux groupes :

— Qu’est-il donc arrivé ? demanda-t-il tout bas à Zénaïde. Est-ce que madame Clarisse…

— Oui, elle est morte, il y a deux ans, d’une façon affreuse, noyée dans la Loire, par accident.

Zénaïde ajouta, en baissant la voix :

— Nous disons « par accident, » à cause du père ; mais vous qui la connaissiez, Jack, vous savez bien que ce n’est pas par accident qu’elle est morte, et qu’elle s’est fait périr elle-même, du chagrin de ne plus voir son Nantais… Ah ! vraiment, il y a de ces hommes… on ne sait pas ce qu’ils vous font boire !

Elle était loin de se douter, la bonne Zénaïde, qu’en parlant ainsi elle serrait le cœur à Jack, qui regardait sa mère en soupirant.

— Pauvre père Roudic, continua Zénaïde, nous avons bien cru qu’il passerait lui aussi… Et encore, il ne s’est jamais douté de la vraie vérité. Sans ça… Quand M. Mangin a été nommé à Paris, nous l’avons emmené avec nous, et nous vivons tous ensemble, rue des Lilas, à Charonne, une petite rue où il n’y a que des jardins, tout près de la caserne de la douane… Il faudra venir le voir, n’est-ce pas, Jack…