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Page:Daudet - Jack, II.djvu/317

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caractères imprimés remplaçant l’écriture connue et amie, lui fit un effroi singulier. Il attendait une lettre de Cécile ou du docteur pour lui expliquer ce mystère ; mais il ne reçut rien, et pendant huit jours, secoué par toutes les terreurs, passa des frissons de l’angoisse aux transports de l’espérance, le cœur serré ou dilaté sans autre motif qu’un nuage couvrant le soleil ou le dévoilant tour à tour.

La vérité est que ni le docteur ni Cécile n’étaient partis, et que M. Rivals avait éloigné l’amoureux pour avoir le temps à le préparer à un grand coup, à une décision de Cécile, subite, inouïe, et sur laquelle il espérait encore que sa petite-fille reviendrait. C’était arrivé subitement. Un soir, en rentrant, le docteur trouvait à Cécile une physionomie étonnante, quelque chose de sombre et de résolu dans la pâleur de ses lèvres et l’agitation inusitée de ses beaux sourcils bruns. Il essaya vainement de la faire sourire à dîner ; et tout à coup à une phrase qu’il disait : « Dimanche, quand Jack viendra… »

— Je désire qu’il ne vienne pas… répondit-elle.

Il la regarda stupéfait. Elle répéta, pâle comme une morte, mais d’une voix très ferme :

— Je désire qu’il ne vienne pas… qu’il ne vienne plus.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ?

— Une chose bien grave, grand-père, mon mariage avec Jack n’est pas possible.