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Page:Daudet - Jack, II.djvu/34

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— « Adieu, mes amis… » dit-il en sanglotant. Mais ses amis sont si fort occupés de leur partie de bouchon, qu’ils ne l’entendent pas.

— Adieu, mes pauvres amis… Vous ne me verrez plus… Je vais mourir.

Les pauvres amis, toujours aussi sourds, discutent sur un coup douteux. Quel malheur pourtant de mourir ainsi, sans dire adieu à personne, sans qu’on essaye de vous retenir au bord du gouffre. C’est qu’ils le laissaient parfaitement se noyer, ces monstres ! Ils sont là-haut à crier, à se menacer comme le matin. Ils parlent encore de s’ouvrir le ventre, de se dévisser la tête. On s’attroupe autour d’eux. Des sergents de ville arrivent, Jack a peur, remonte les marches, et se sauve… Le voilà le long d’un grand chantier. Quelqu’un passe près de lui, courant et titubant. C’est le matelot, tout débraillé, sans chapeau, sans cravate, son grand col arraché sur la poitrine.

— Et Gascogne ?

— Dans le canal… Je l’ai envoyé rouler d’un coup de tête… V’lan !…

Et le matelot s’en va bien vite, car il a les sergents de ville après lui. Les idées de Jack sont tellement tournées au lugubre, qu’il trouve presque naturel que le novice ait noyé Gascogne, comme si le meurtre était le dernier échelon d’une échelle sinistre où il a posé le pied et qui descend dans le noir. Pourtant, il voudrait retourner sur ses pas,