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Page:Daudet - Jack, II.djvu/364

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elle a étalé un mouchoir de couleur sur ses genoux et pèle lentement ses oranges.

— Elle ne viendra pas… dit Jack, comme il disait l’autre fois dans la petite maison de Charonne. Seulement sa voix est plus crispée que ce soir-là et trouve, quoique faible, des accents de colère. « Je suis sûr qu’elle ne viendra pas. »

Et le malheureux ferme les yeux dans une suprême lassitude ; mais c’est pour méditer sur d’autres chagrins, pour ramasser dans son esprit tous les débris de son amour, pour appeler « Cécile… Cécile, » sans que ce cri franchisse sa bouche muette. La religieuse s’est approchée, en l’entendant gémir, et demande tout bas à madame Bélisaire, dont la large face est toute luisante de larmes :

— Qu’est-ce qu’il a, ce cher enfant ?… on dirait qu’il souffre davantage ?

— C’est sa mère, ma sœur, sa mère qui n’arrive pas… Il l’attend… ça le ronge, ce pauvre petit.

— Il faudrait la prévenir bien vite.

— Mon mari y est allé. Mais, voyez-vous, c’est une belle madame. Faut croire qu’elle a peur de salir sa robe dans l’hospice…

Tout à coup elle se lève avec un élan de colère.

— Pleure pas, m’ami, dit-elle à Jack comme si elle parlait à son petit garçon, je vas te la chercher, ta maman.

Jack a bien entendu qu’elle partait, mais il continue