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Page:Daudet - Jack, II.djvu/63

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— Tu vois, on ne pourra pas même en faire un ouvrier.

Mais cette pensée ne suffisait pas à le contenter. Il aurait voulu humilier Jack, l’abaisser encore. Cette fois, il allait être heureux. Aux premiers mots qu’il lut de la lettre d’Indret, car enfin il s’était décidé à l’ouvrir, cette lettre, sa figure pâlit d’émotion, ses yeux flambèrent d’une espèce de triomphe méchant :

— J’en étais sûr !

Puis, tout de suite, devant la mise en demeure qui leur était faite de rembourser la somme, il prévit une foule de complications désagréables, et ce fut d’un air navré qu’il tendit le pli à Charlotte.

Quel coup terrible après tant d’autres ! Blessée dans sa fierté de mère vis-à-vis du poëte, blessée dans sa tendresse, la pauvre femme était encore plus cruellement atteinte par les reproches de sa conscience.

— C’est ta faute, lui criait cette voix aiguë qui domine tous les sophismes et tous les raisonnements du monde… C’est ta faute. Pourquoi l’as-tu abandonné ?

Maintenant il fallait le sauver, le sauver à tout prix. Mais comment faire ? Où trouver l’argent ? Elle n’avait plus rien à elle. La vente de son mobilier, un nid de hasard orné de richesses de pacotille, avait produit quelques milliers de francs vite dépensés. « Bon ami » en partant aurait voulu lui laisser un cadeau, un souvenir ; mais elle s’était obstinément refusée à l’ac-