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Page:Daudet - Jack, II.djvu/77

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une singulière impression de l’exil auquel on avait condamné son enfant. Si coupable qu’il fût, c’était toujours son fils, son Jack ; et de se sentir si près de lui, cela la remettait en présence des années heureuses qu’ils avaient jadis vécues ensemble.

Pourquoi l’avait-elle abandonné ?

Elle se le rappelait enfant, charmant et délicat, plein d’intelligence et de tendresse, et en pensant qu’elle allait voir apparaître un ouvrier voleur et que ce serait là son fils, le remords vague qui la tourmentait depuis deux ans prit un corps et se dressa devant elle. Voilà donc ce que lui valait sa faiblesse ! Si Jack était resté près d’elle au lieu d’être livré à la dépravation des fabriques, si elle l’avait mis au collége avec des enfants de son âge, est-ce qu’il serait devenu un voleur. Ah ! la prédiction de ce médecin de là-bas s’était trop bien réalisée. Elle allait le retrouver déchu, humilié.

La trivialité de ce dimanche d’ouvriers, dont l’odeur et le train l’entouraient, augmentait encore son remords. C’était là que son Jack vivait depuis deux ans !… Toutes les répugnances de cette nature superficielle incapable de sentir la grandeur d’une tâche quelconque accomplie, d’une vie achetée à la fatigue des bras, se révoltaient à cette idée. Pour essayer de se distraire de ses tristes pensées, elle prit les prospectus de la « colonie, » ouverts devant elle. Des mots la firent frémir. « Maison paternelle. Collége de