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Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/176

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— C’est moi.

— Qui, toi ?

— Jarjaille.

— Jarjaille de Saint-Rémy ?

— Tout juste.

— Mais, galopin, lui dit saint Pierre, tu n’as pas honte de vouloir entrer au Paradis, toi qui depuis vingt ans n’es pas une seule fois allé à la messe !… Toi qui mangeais gras le vendredi quand tu pouvais, et le samedi quand tu en avais !… Toi qui, par moquerie, appelais le tonnerre le tambour des escargots, parce que les escargots viennent pendant l’orage… Toi qui, aux saintes paroles de ton père : « Jarjaille, le bon Dieu te punira », répondais le plus souvent : « Le bon Dieu ? Qui l’a vu ? quand on est mort, on est bien mort. » Toi, enfin, qui le reniais et blasphémais à faire frémir ; se peut-il, dis, se peut-il que tu te présentes ici, abandonné de Dieu ? »

Le pauvre Jarjaille répondit :

— Je ne dis pas le contraire. Je suis un pécheur, un misérable pécheur. Mais qui se serait douté, qu’après la mort, il y aurait encore tant de mystères ? Enfin, je me suis trompé, et voilà le vin tiré ; maintenant il faut le boire. Mais au moins, grand saint Pierre, laissez-moi voir un peu mon oncle, pour lui conter ce qui se passe à Saint-Rémy.