Aller au contenu

Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mimile avait tout juste dix-huit mois, et cela fit bien des berceaux dans la cabine, bien de la besogne aussi ; car, avec toutes les charges que l’on avait, il n’était pas possible de payer une servante.

La mère Louveau bougonnait à faire trembler la jambe de bois de l’Équipage.

Personne ne la plaignait dans le pays. Même, les paysans ne se gênèrent pas pour dire leur façon de penser à M. le curé qui proposait le marinier pour exemple.

— Tout ce que vous voudrez, monsieur le curé, ça n’a pas de bon sens, quand on a déjà trois enfants à soi, d’aller ramasser ceux des autres.

Mais les Louveau ont toujours été comme cela.

C’est la gloriole qui les tient, et tous les conseils qu’on leur donnera ne les changeront pas. »

On ne leur souhaitait pas de mal, mais on n’aurait pas été fâché qu’ils reçussent une leçon.

M. le curé était un brave homme sans malice, qui devenait aisément de l’avis des autres, et finissait par se rappeler un passage de l’Écriture ou des Pères pour se rassurer lui-même sur ses revirements.

— Mes paroissiens ont raison, » se disait-il en passant la main sous son menton mal rasé.

Il ne faut pas tenter la divine Providence. »

Mais comme, à tout prendre, les Louveau étaient de braves gens, il leur fit, à l’ordinaire, sa visite pastorale.