Aller au contenu

Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’allument. Une lueur pâle entre dans la chambre en frissonnant.

— Voilà le jour, Daniel, dit Jacques. Il est temps de dormir. Couche-toi vite… tu dois en avoir besoin.

— Et toi, Jacques ?

— Oh ! moi, je n’ai pas deux jours de chemin de fer dans les reins… D’ailleurs, avant d’aller chez le marquis, il faut que je rapporte quelques livres au cabinet de lecture et je n’ai pas de temps à perdre… tu sais que le d’Hacqueville ne plaisante pas… Je rentrerai ce soir à huit heures… Toi, quand tu te seras bien reposé, tu sortiras un peu. Surtout je te recommande…

Ici ma mère Jacques commence à me faire une foule de recommandations très importantes pour un nouveau débarqué comme moi ; par malheur, tandis qu’il me les fait, je me suis étendu sur le lit, et sans dormir précisément, je n’ai déjà plus les idées bien nettes. La fatigue, le pâté, les larmes… Je suis aux trois quarts assoupi… J’entends d’une façon confuse quelqu’un qui me parle d’un restaurant tout près d’ici, d’argent dans mon gilet, de ponts à traverser, de boulevards à suivre, de sergents de ville à consulter, et du clocher de Saint-Germain-des-Prés comme point de ralliement. Dans mon demi-sommeil, c’est surtout ce clocher de Saint-Germain qui m’impressionne. Je vois deux, cinq, dix clochers de Saint-Germain rangés autour de mon lit comme des poteaux indicateurs. Parmi tous ces clochers, quelqu’un va et vient dans la