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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/19

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Ce qu’ils étaient venus faire, hélas !… J’allais le savoir bientôt.

Le soir, à souper, M. Eyssette nous annonça solennellement que la fabrique était vendue, et que dans un mois nous partirions tous pour Lyon, où nous allions demeurer désormais.

Ce fut un coup terrible. Il me sembla que le ciel croulait. La fabrique vendue !… Eh bien !… et mon île, mes grottes, mes cabanes !

Hélas ! l’île, les grottes, les cabanes, M. Eyssette avait tout vendu ; il fallut tout quitter. Dieu ! que je pleurai !…

Pendant un mois, tandis qu’à la maison on emballait les glaces et la vaisselle, je me promenais triste et seul dans ma chère fabrique. Je n’avais plus le cœur à jouer, vous pensez… oh ! non !… J’allais m’asseoir dans tous les coins, et regardant les objets autour de moi, je leur parlais comme à des personnes… je disais aux platanes : « Adieu, mes chers amis, » et aux bassins : « C’est fini, nous ne nous verrons plus. » Il y avait dans le fond du jardin un grenadier dont les belles fleurs rouges s’épanouissaient au soleil. Je lui dis en sanglotant : « Donne-moi une de tes fleurs. » Il me la donna. Je la mis dans ma poitrine, en souvenir de lui. J’étais très-malheureux.

Pourtant, au milieu de cette grande douleur, deux choses me faisaient sourire : d’abord, la pensée de monter sur un navire, puis la permission qu’on m’avait donnée d’emporter mon perroquet avec moi. Je me disais que Robinson avait quitté