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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/29

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mes fonctions… Sur le passage du viatique, les hommes se découvraient, les femmes se signaient. Quand on passait devant un poste, la sentinelle criait : « Aux armes ! » les soldats accouraient et se mettaient en rang. « Présentez… armes ! genou terre ! » disait l’officier… Les fusils sonnaient, le tambour battait aux champs. J’agitais ma crécelle par trois fois, comme au Sanctus, et nous passions. C’était très amusant la manécanterie.

Chacun de nous avait dans une petite armoire un fourniment complet d’ecclésiastique : une soutane noire avec une longue queue, une aube, un surplis à grandes manches roides d’empois, des bas de soie noire, deux calottes, l’une en drap, l’autre en velours, des rabats bordés de petites perles blanches, tout ce qu’il fallait.

Il paraît que ce costume m’allait très bien :

« Il est à croquer là-dessous », disait madame Eyssette. Malheureusement j’étais très petit, et cela me désespérait. Figurez-vous que, même en me haussant, je ne montais guère plus haut que les bas blancs de M. Caduffe, notre suisse, et puis si frêle ! Une fois, à la messe, en changeant les Évangiles de place, le gros livre était si lourd qu’il m’entraîna. Je tombai de tout mon long sur les marches de l’autel. Le pupitre fut brisé, le service interrompu. C’était un jour de Pentecôte. Quel scandale !… À part ces légers inconvénients de ma petite taille, j’étais très content de mon sort, et souvent le soir, en nous couchant, Jacques et moi nous nous di-