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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/304

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le caractère de ta tête se perd joliment… tu es laid, tu es très laid. Tiens ! regarde-toi… je suis sûre que si tu retournais vers ta demoiselle Pierrotte, elle ne voudrait plus de toi… Et pourtant, vous êtes bien faits l’un pour l’autre… Vous êtes nés tous les deux pour vendre de la porcelaine au passage du Saumon. C’est bien mieux ton affaire que d’être comédien… »

« Elle bavait, elle étranglait. Jamais tu n’as vu folie pareille. Je la regardais sans rien dire. Quand elle eut fini je m’approchai d’elle, — j’avais tout le corps qui me tremblait, — et je lui dis bien tranquillement :

« — Je ne veux pas être comédien.

« Disant cela, j’allai vers la porte, je l’ouvris et la lui montrai.

« — M’en aller, fit-elle en ricanant… Oh ! pas encore… j’en ai encore long à vous dire.

« Pour le coup, je n’y tins plus. Un paquet de sang me monta au visage. Je pris un des chenets de la cheminée et je courus sur elle… Je te réponds qu’elle a déguerpi… Mon cher, à ce moment-là, j’ai compris l’Espagnol Pacheco.

« Derrière elle, j’ai pris mon chapeau, et je suis descendu. J’ai couru tout le jour, de droite et de gauche, comme un homme ivre… Ah ! Si tu avais été là… Un moment, j’ai eu l’idée d’aller chez Pierrotte, de me jeter à ses pieds, de demander grâce aux yeux noirs. Je suis allé jusqu’à la porte du magasin, mais je n’ai pas osé entrer… Voilà deux mois que je n’y vais plus. On m’a écrit, pas